cancer, cancer, dis moi quand c'est. cancer, cancer, qui est le prochain ?
Le plafond était d’un blanc à faire peur. Un blanc d’hôpital, un blanc de mort. Les yeux embués par les larmes, tu décidas d’aller acheter dès le lendemain un pot de peinture pour remédier à cela. Tu serras les dents et t’allongeas sur le ventre, tournant le dos à ton destin. Tu ne voulais pas mourir. Tu ne pouvais pas mourir. Merde tu avais vingt ans, ta vie commençait à peine, tu n’avais même pas encore de métier, de famille qui t’attendait le soir devant la télé, aucun de tes rêves les plus profonds ne s’étaient réalisés et voilà que… que tout merdait. Tout ce que tu avais battis depuis ton plus jeune âge se cassait la gueule. Un simple petit déséquilibre dans l’édifice et c’est tout le palais qui s’effondre. Tout avait pourtant si bien commencé :

La naissance de l’enfant tant attendue après des années d’essais infructueux. L’enfant chéri, adoré, l’enfant prodige. L’enfant qui, c’est sûr, deviendra quelqu’un de riche, célèbre, puissant et respecté. L’enfant qui aura tout, d’un claquement de doigt. L’héritier d’une grande lignée.
Puis l’enfant qui grandit. Il devient un petite fille sûre d’elle, se complaisant de le luxe que lui offre sa famille et goûtant aux joies d’être parmi la crème de la crème, l’élite, le top du top. Une petite fille bichonnée par une mère dévorée par l’ennuie et la solitude, pourrie gâtée par un père absent qui pense qu’un poney comble aisément une semaine de voyage à New York, où il baisera certainement deux ou trois américaines entre deux dossiers importants. La petite fille clichée des familles nobles, capricieuse et colérique, légèrement autoritaire et ingrate. Une sale gamine qui ne parvient à avoir des amies seulement par la peur qu’elle produit chez les autres. Mais à quoi peut bien servir l’amour lorsqu’on à déjà tout ?
La demoiselle grandit. Elle grandit pour devenir une jeune femme plus mûre, plus sage. Mais plus séduisante et charmeuse. Plus joueuse et mesquine. Une jeune ado qui fait tourner les têtes, bien dans ses louboutins. Une jeunesse parfaite, ponctuée par des virées shopping, des soirées et de la débauche, ou hypocrisie, alcool et coup bas sont de la partie.

Oui, tout cela avait tellement bien commencé. Mais tu aurais dut sentir que quelque chose merdait. Déjà il y a deux ans quand , au grand damne du paternel, tu t’embarquas dans un fac de lettres pour devenir professeur. Prof. Une vulgaire fonctionnaire. Tellement pitoyable. Et maintenant, te voilà allongée dans ton lit, les joues marquées de noir, hoquetant derrière ton oreiller trempé par tes larmes. Mais à quoi bon pleurer, hein ? Tu ne pourras rien y changer. Tes putain de cellules mal foutues se multiplient à l’intérieur de toi et te dévorent de l’intérieur. Tu t’autodétruit à la vitesse de l’éclair, sans même t’en rendre compte. Et comment lutter quand le monstre qui te pousse vers ta tombe, c’est toi même ? Comment faire quand le mal que tu traques et ancré en toi comme ton ADN ? Tu a envie de vomir. Tu te dégoûtes.
Tremblante, tu te levas et titubas jusqu’à ta salle de bain. Dans le miroir, envolée l’image de la jeune bourgeoise à qui tout souriait. Ne reste plus que la vague trace d’une femme ravagée par la peine, noircit par la douleur et à qui les cheveux bientôt s’enfuiront en courant. Dans quelques temps, on ne verra plus qu’un tas de chair pourrie recouvrant quelques poussières d’os. Dans quelques temps, on ne verra plus qu’une cancéreuse. Une putain de cancéreuse.

Voilà bientôt un an que tes petites cellules t’entraînes vers la mort. Mais tu n’as pas l’air de réaliser. Tu fais comme si de rien n’était.Tout le monde fait comme si. Comment pourrait-il faire autrement, puisque tu n’as pas pris la peine de le dire à qui que se soit ? Tu portes seule ton fardeau, comme un masque factice sur le visage. Mais un jour le masque tombera et tout t'explosera à la figure. Boum. En attendant, tu continues à gaspiller le temps qu’il te reste à jouer les petites filles modèles et arpenter tant bien que mal le chemin tracé par papa et maman. Un jour cependant, il faudra bien que tu profites de la vie, car la tienne ne tient qu’un à fil. Ou plutôt, qu’un à médoc...